Rocciamelone

(Rochemelon)

C'est une vieille idée : traverser Rochemelon à partir du col du Mt Cenis et continuer la frontière italienne jusqu'à l'Albaron. J'avais déjà fait la traversée à partir du vallon du Ribon jusqu'à l'Albaron, en passant par le col des Alpins et le refuge Cibrario. Mais Rochemelon manquait pour une traversée complète.

 

Rochemelon, j'y étais déjà allé en été à partir du col du Mt Cenis. C'est je crois la plus belle façon d'accéder à ce sommet qui forme un coin en Italie. D'ailleurs le sommet est italien et est dominé par une grande statue de la Vierge, qui regarde la plaine du Pô.

On part du col du Mt Cenis par le chemin des douaniers qui fait frontière. On peut bivouaquer au-dessus de l'Alpe du Tour (bergerie italienne), vers 2350. Ensuite on passe le Mont Tour (ou Pointe Marmottere, 3385) et on suit pratiquement l'arête jusqu'au sommet de Rochemelon.

Au sommet, dominé par la statue de la Vierge, la vue plonge sur la plaine du Pô. Il y a une petite esplanade avec une chapelle et un petit refuge bien équipé (paillasses et couvertures, mais pas de chauffage).

 

Le sommet avec l'esplanade et le refuge-chapelle à droite

 

En fait j'imaginais la soirée dans ce refuge, au printemps, les pieds dans le vide, en train de regarder le soleil se coucher sur la plaine du Pô. Donc nous avons décidé de tenter la traversée à ski, avec coucher au sommet, dans ce petit refuge.

Un petit hotel au col du Mt Cenis a bien voulu héberger notre petit groupe, tout le monde (origines diverses) s'étant retrouvé à Modane. L'hotel avait ouvert juste pour nous et la fille du patron avait préparé un excellent diner.

L'idée le lendemain était de partir tôt et le petit déjeuner était préparé dans des thermos. Nous enfilons donc au petit matin ce chemin des douaniers horizontal, mais assez long. Il y a du brouillard et la pluie commence à tomber. Finalement on arrive à la bergerie de l'Alpe du Tour, inhabitée en hiver. Etant donné la pluie, on cherche un abri pour attendre un peu. Comme l'attente dure et qu'on se refroidit vite, on s'arrange un petit feu et on essaye de faire sécher les vétements mouillés.

Cela a duré longtemps et il a fallu que je lave 3 fois ma polaire pour lui faire oublier l'odeur de fumée... Finalement nous décidons de laisser tout le matériel sur place et de retourner à l'hotel pour tenter le coup le lendemain. L'hotelier était un peu surpris et comme ce n'était pas prévu, il y a avait moins à manger.

Sommet de Rochemelon avec la statue de la Vierge (utile pour poser une corde fixe...)

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Le lendemain le temps semble meilleur. On rejoint la bergerie et on récupère le matériel (skis, réchauds, nourriture). Pendant le montée le soleil se lève et j'imagine déjà le coucher de soleil au sommet, sur la petite terrasse, face à la plaine du Pô.

En arrivant au col du Mont Tour (3385), on trouve un vent violent et le brouillard. Il faut y aller au jugé. En fait il faut éviter de descendre (raide puis barres) et suivre la crête. Après avoir suivi longuement cette crête, il faut bien repérer le raccord (descente) pour rejoindre le glacier de Rochemelon et ensuite le col de Novalèse (3229). Le temps est de plus en plus bouché et il commence à neiger. Le sommet se monte par l'arête Nord Ouest. Beaucoup de vent, mais on se dit que de toute façon il y a un refuge au sommet, donc le confort...

En fait le sommet de Rochemelon apparaît tout-à-fait sauvage et hostile. Il y a toujours la grande statue de la Vierge. Vers l'Italie la pente descend à pic. Je me penche pour repérer la fameuse esplanade avec la chapelle et le refuge attendu, mais la pente est toute enneigée, toute lisse et bien raide, 1000m de vide. Pas l'ombre d'esplanade et encore moins de refuge. C'était presque comme si j'avais révé de cette esplanade visitée en été.

 

L' arête vers le Mont Tour

 

 

 

 

 

Il était tard. Le vent soufflait avec un peu de grésil. Il fallait décider quelque chose. Comme je me rappelais bien l'emplacement du refuge, je me décide à tenter une reconnaissance. On attache une corde à la statue, la pente étant très raide, et je descend vers l'endroit estimé. La neige semble former un creux vers cet endroit et je commence à creuser. Il a fallu creuser un bon tunnel de un mètre pour arriver sur la porte du refuge. Tout le monde descend alors sur la corde fixe, les skis restant arrimés au sommet. Le refuge est en bon état, avec des couvertures. Il n'y a malheureusement pas de chauffage, mais arrivés là-dedans par ce trou dans le neige en pleine pente, on se sent quand même dans un nid douillet. Dehors, c'est un peu la tempête. On voit la neige tourbillonner à la sortie du tunnel. On n'a pas le coucher de soleil sur la plaine d'Italie, mais on est quand même à 3538m, dans un petit refuge recouvert de neige, accroché dans une pente rendue sinistre par le temps et qui plonge de 1000m sur l'Italie. C'est un moment extroardinaire.

La nuit est plus difficile. Le froid et l'altitude ne contribue pas vraiment au sommeil. Le lendemain il était prévu de continuer la frontière en passant par la Selle du Ribon, la Pointe de l'Arcelle et rejoindre ainsi le col des Alpins. De là on continue par l'itinéraire décrit par ailleurs jusqu'au refuge Cibrario.

En fait le temps est toujours détestable. Vent et neige. Avec du chauffage, on aurait pu passer une journée et encore une nuit dans ce petit refuge, mais dans les conditions existantes, nous décidons de descendre sur Bessans par la voie normale (glacier de Rochemelon et vallon du Ribon). La descente de la pyramide que forme le sommet (300m à descendre) est assez impressionnante. Elle laissera des souvenirs à certains... En fait on descend en suivant toujours l'arête Nord Ouest. Mais dans les conditions météorologiques du moment, c'est un peu stressant. Si on va trop vers l'Ouest on tombe sur la paroi Ouest à pic de la pyramide. Et du coté Est, on a la grande face Nord, mais le brouillard ne nous permet pas de trop s'aventurer. De plus il y a de la neige fraiche tombée et il faut se méfier des plaques à vent. Donc c'est une descente en dérapage sur cette crête. Il faut seulement contrôler son dérapage, et en particulier bien tenir compte du vent qui vous pousse vers la paroi Ouest. Mais ne pas perdre la ligne de crête de vue pour garder le fil de la descente (soit une espace de 20m peut-être pour le dérapage...).

Une fois sur le glacier, le problème devient un problème aigu d'orientation. C'est relativement plat et on ne voit pas à plus de 10m. Il faut l'instinct et l'expérience des anciens pour se retrouver du bon coté du glacier et éviter de passer en Italie par le col de la Resta. Heureusement on passe sous le brouillard avant la traversée délicate sur la rive droite du glacier. Il n'y a pas trop de neige fraiche à cette altitude et la traversée sur des pentes raides jusqu'au vallon qui descend du col des Alpins s'effectue sans problème.

La descente du vallon du Ribon se fera essentiellement à pieds. A mi chemin, on retrouve le soleil. Le mauvais temps est concentré sur la frontière italienne et le col du Mt Cenis. C'est assez habituel.

Il n'y a pas eu de photos. Seulement les photos en été...