En arrivant au Col des Aiguilles Crochues
La première randonnée à skis que j'ai pu faire avec Xavier, ça remonte aux années 70. Ce devait être dans le massif de la Vanoise et mon frère Michel devait y participer. C'est d'ailleurs par l'intermédiaire de la femme de Michel que j'ai connu Xavier. Depuis nous avions notre rendez-vous annuel au printemps. Et je n'aurais manqué à cette tradition pour rien au monde ! Et des souvenirs, il y en a beaucoup.
Chaque randonnée exprime un souvenir. Chaque randonnée a ses moments forts, ses joies, ses souffrances. La joie lorsqu'on arrive au refuge, la soirée au bivouac, la plénitude qu'on peut ressentir en arrivant au sommet. Mais aussi la souffrance qu'il faut vaincre pour arriver, qu'on il reste encore 600 mètres à monter, quand il faut lutter contre le froid, le blizzard et qu'on est perdu dans le brouillard. Ce sont des choses qu'il est difficile d'expliquer mais que l'on sent profondément. Cette volonté qu'il faut mettre en œuvre pour réussir la course, arriver au sommet, c'est peut-être au fond de soi-même toucher l'absolu.
Alors lorsque j'ai appris sa maladie, je n'ai d'abord pas compris. C'était impensable et inimaginable. Pour moi, nos rendez-vous de printemps, c'était une période essentielle dans l'année et nos retrouvailles étaient toujours une joie très forte. En fait nous nous connaissions essentiellement dans ce cadre des randonnées de printemps. Des randonnées qui sont toujours des traversées, parce que c'est la traversée qui apporte l'aventure maximum. La traversée des glaciers de la Vanoise a été une des premières. Et quel souvenir. On a tissé des liens très forts, vécu différentes aventures. Ce sont des choses qui marquent et dont on se souvient dans le flot continu des années. Quand je pense que Xavier était encore au refuge Durier en juillet, 6 mois avant la fin..! Pour essayer encore la fameuse traversée du Mt Blanc… Maintenant je ne sais pas comment je réagirais. De toute façon, c'est insupportable cette fin de l'aventure qui approche.
Et comme je comprends Xavier dans sa démarche de partir dans le massif de Belledonne pour se perdre à jamais. Rejoindre ainsi l'absolu. C'est pour tout cela que Xavier représentait beaucoup pour moi. Il était l'idéal même du montagnard à la recherche de cet absolu. Un courage, une résistance, une volonté sur soi. Et surtout une générosité, une attention aux autres. Une générosité comme on ne peut pas l'imaginer, surtout qu'on est immergé dans le quotidien de notre monde aujourd'hui. Jamais il ne parlait de ses problèmes personnels, mais il était toujours prêt à aider les autres. Et Marie-Claire le complétait tellement bien. Je n'ai pas beaucoup connu sa famille (à part Eric, à l'occasion de deux ou trois randonnées) mais on pouvait deviner une harmonie, une sensibilité, un accord. Toujours bien attentifs l'un à l'autre. Et en commun cette générosité.