Ballade
à Larche
26-29 février 2004
En quittant le Tameye avec Chaussette (la petite voiture OPEL normalement garée à la Récampade), j'ai tourné à gauche vers Opio et Grasse. Avec cette voiture, l'autoroute ne présente aucun intérêt et il est préférable d'utiliser la route la plus courte. Donc la route Napoléon. Cette route est très bonne et à cette époque déserte. La conduite est agréable. Arrivé à Digne, je me suis arrêté devant Samten Dzong, la maison d'Alexandra David Neel. Par curiosité et l'espoir de trouver des éléments qui permettent de mieux comprendre la vie de cette femme exceptionnelle. On est reçu par une dame pleine d'enthousiasme qui vous rappelle la vie d'Alexandra et vous fait visiter un petit salon transformé en musée bouddhique. Ensuite on peut voir différentes affaires ayant appartenu à Alexandra, comme ses sacs de voyages en cuir, les bijoux qui lui conféraient le statut officiel de lama et autres objets. Il ne lui fallait pas beaucoup d'espace pour travailler à ses livres, méditer et dormir. Une chambre et un petit bureau attenant. On conserve sa table de camping où elle écrivait et sa lampe de chevet avec son abat jour en papier journal. Malgré l'argent que pouvait lui rapporter ses livres, une vie simple lui suffisait, avec seulement le rêve d'un nouveau voyage au Tibet ou en Chine. Elle avait fait renouveler son passeport à 90 ans (elle est morte à 101 ans). Evidemment elle lisait le sanscrit et parlait tibétain, pali, chinois, japonais, outre les langues européennes. Mais je me suis surtout attaché à deux ou trois photographie de son ermitage sur les pentes de l'Himalaya. Elle y a vécu un an, complètement isolée de tout pendant l'hiver, avec seulement une bonne provision de textes bouddhiques et de livres sanscrits ou tibétains.
Après cette visite, la route, toujours aussi tranquille, continue vers Barcelonnette. Barcelonnette en hiver est quasi désert. Rien à voir avec l'affluence touristique de l'été. Etant donné l'heure, l'endroit me paraît opportun pour un déjeuner confortable avant de prendre le chemin du Boisset. La plupart des restaurants sont fermés, mais le petit que je trouve au coin d'une rue est bien sympa. Les deux vieilles dames assises à la table à coté de moi sont enchantées d'avoir quelqu'un à qui parler. Toutes les deux ont bien sûr été au Mexique. L'une d'entre elles a même du sang aztèque dans les veines. J'ai ainsi appris qu'il existait en Louisiane une ville appelée Arnaudville, du nom des trois frères habitants de Jausier et qui sont les premiers à être partis vers le nouveau monde (en 1870 environ). Ils ont débarqué en Louisiane et créé cette ville. De là, deux d'entre eux ont continué jusqu'au Mexique. A Mexico ils ont créé une industrie textile prospère et ont commencé à faire venir leur compatriotes de la vallée de Barcelonnette. En entrant à Jausier une pancarte annonce que la ville est jumelée avec Arnaudville. Maintenant je sais pourquoi, mais Henri devait savoir tout cela depuis longtemps.
Le chemin du Lauzanier est déneigé jusqu’au camping. Il y là au moins un mètre de neige. Madame Paluel me dira plus tard qu’un tel enneigement n’était pas arrivé depuis beaucoup d’années. La piste de ski de fond est bien tracée et la montée au Boisset ne pose pas de problème. En arrivant au chalet on repère vite les énormes traces qu’Henri a du faire avec ses raquettes, une semaine auparavant. Je me contente d’une petite trace directe sur le chalet. Celui-ci est entouré de montagnes de neige. Heureusement qu’Henri a travaillé comme un fou pour creuser des tranchées le long des fenêtres. Cela permet de bien ouvrir les volets. Il fait 4° à l’intérieur mais le poêle se met bien vite à ronfler. Rien que le ronflement donne déjà de la chaleur… Mais il faudra bien attendre quelques heures pour arriver à 15°. Un grand faitout plein de neige est installé sur le poêle pour préparer de l’eau (pour une nuit, on se contentera de neige fondue, comme en refuge). La soirée est paisible, pas un bruit, pas même de hurlement de loup affamé. Bien sûr je m’installe à l’étage, la chambre étant réservée au propriétaire. A noter qu'il ne reste plus beaucoup de couverture, après les différents vols qui ont eu lieu, mais cela suffit pour une personne. La nuit est froide.
Lever le lendemain vers 6h30. Il fait très beau avec –10° dehors (et 7° à l’intérieur). Du coup je rallume le poêle pour réchauffer un peu l'atmosphère. Après un bon petit déjeuner (Henri a renouvelé le grille pain), départ pour la Tête de Platasse (1000m de dénivelée depuis le chalet). On part par la piste de ski de fond qui traverse le torrent un peu plus loin. Cela permet de rejoindre directement le départ du vallon de l’Orrenaye. Le vallon est encore dans l’ombre et il descend un petit air glacial qui vous frappe la figure. Conditions très hivernales. Le soleil qu’on trouve en haut du vallon est le bienvenue. En passant sous le col du Bœuf, je me rappelle le tour du Moïse fait cet été avec Odile et Adrien. Du sommet de la tête de Platasse, on a une belle vue sur le Viso. La descente sera belle, avec une neige poudreuse déjà un peu travaillée. Il faut faire attention et choisir les pentes pas trop ensoleillées (sinon croûte…).
Retour au chalet vers 13h. Pastis obligatoire, assis sur le petit banc au soleil et devant la montagne de neige qui recouvre la terrasse. Ensuite jambon, saucisson et une bonne bouteille sortie de la cave. La vie est belle.
La source est enfouie sous la neige comme le montre la photo ci-contre. Pour le pastis, il faut se contenter de la neige fondue. Au moins on n’a pas de problème de glaçons.
Vers 4 heures je ferme le chalet pour rejoindre le groupe de François au gîte Lombard à Larche. Descente tranquille sur la piste de ski de fond, mais avec l’inquiétude de savoir comment Chaussette aura supporté le froid polaire. Je ne me rappelle pas avoir rajouté de l’antigel dans le circuit de refroidissement du moteur… En fait elle démarre très bien. Le soleil l’a bien réchauffé et il ne semble pas que le radiateur ait éclaté.
En arrivant à Larche, il fait plutôt froid et j’envisage un thé chez Paluel. Je trouve Madame Paluel toute seule dans le salon en train de regarder un jeu à la télé. Elle est enchantée de me voir et m’invite à sa table. On va deviser pendant 1 heure sur l’histoire de Larche et les souvenirs. Elle se rappelle bien avoir accueilli maman malade avec un bébé (Anne-Marie???) quand la famille campait au Boisset. Finalement elle était enchantée de ma visite et a insisté pour m'offrir le thé (ce qui ne m'était jamais arrivé chez Paluel…!).
Le groupe de François que je trouve au gîte Lombard est très sympa et bien sûr assez jeune. Il y a 12 personnes, dont 4 ou 5 centraliens et beaucoup de pièces rapportées. Je ne connais qu’Alexis, que François avait emmené dans deux randonnées que j’avais organisées (tour de la Bernina et traversée de Roche Melon). Le gîte Lombard est organisé comme un refuge, avec des dortoirs. La cuisine est particulièrement bonne (sans doute meilleure que chez Paluel aujourd'hui).
Le lendemain, c'est la Tête de Fer (1300m du refuge), grande classique du coin. On part vers 8 heures du refuge seulement. Il faut dire que les conditions sont hivernales et qu'il n'y a pas à craindre que la neige se transforme en soupe. Je réussis à arriver au sommet (la deuxième fois en hiver et la cinquième fois en comptant l'été), mais bon dernier. Ce n'est plus tellement mon âge pour aller avec ces jeunes qui attaquent à fond. Il y a même un petit groupe qui après être redescendu une partie de la Tête de Fer, décide de remonter à la Tête de l'Aigle, un autre sommet sur la droite qui donne sur un vallon parallèle et permet de rejoindre directement Larche. Je l'ai fait l'année dernière, mais aujourd’hui je n'ai même pas envisagé une seconde cette remontée…!
Dimanche, l'objectif était d'aller à l'Enchastraye par le vallon de Pouriac. Je pensais accompagner le groupe un bout de chemin, puis redescendre et prendre la route pour Gap et le train de 16h08 pour Paris. Mais ce matin il faisait -20° dehors et Chaussette a trouvé que ce n'était pas une température correcte pour démarrer. Aussi je me suis contenté d'une ballade vers la Tétasse, au-dessus du vallon du Pis. Très belle descente dans une neige poudreuse et dernier coup d’œil au Boisset.
De retour à Larche, vers midi, il fait un peu moins froid et Chaussette, qui se sent mieux, consent à démarrer. Direction Gap et train pour Paris (TGV à Valence, durée totale du trajet 4h40). Chaussette est abandonnée dans un parking près de la gare.
François lui aura réalisé la traversée de l'Enchastraye avec son groupe et une descente par le Lauzanier. Le lendemain il faisait la Tête de Platasse et rentrait coucher à Lurs chez un ami.