Traversée dans le Massif du Mt Blanc
(Aiguille du Tacul, Pointe Isabelle, Mt Mallet)
La Pointe Isabelle me tentait depuis longtemps. Elle se trouve au fond du glacier de Taléfre et fait partie de la chaine qui joint l'Aiguille de Taléfre au Triolet. Le glacier de Taléfre lui-même forme un ensemble à part dans le massif du Mt Blanc auquel on accéde par un goulet étroit, les Séracs de Taléfre, là où le glacier se déverse sur la Mer de Glace (en fait le glacier de Leschaux). L'ensemble du cirque qui entoure le glacier de Taléfre est déservi par le fameux refuge du Couvercle, qui fait rêver rien que par son nom.
Pour arriver jusqu'à la Pointe Isabelle, nous avions imaginé de partir de l'Aiguille du Midi et de descendre la Vallée Blanche, plutôt que de monter par le Montenvers. Et pour agréémenter la traversée, nous avions prévu une nuit au refuge du Requin avec un aller-retour à la baisse de l'Aiguille du Tacul qui se trouve juste en face.
Le départ est toujours flamboyant et sur la photo, on voit Bertrand tout équipé pour affronter dans les meilleures conditions la descente de l'arête.
Il est tard dans la saison et le passage des séracs est un peu délicat. L'avantage est qu'il n'y a pas trop de monde dans la Vallée Blanche. Le refuge du Requin est complétement désert et tout en travaux. Heureusement il reste un partie logeable où nous pouvons nous installer.
Le lendemain, il ne fait pas très beau, mais suffisamment pour que nous attaquions le glacier des Périades, vers l'Aiguille du Tacul. Certains ponts de neige en-dessous du Requin semblent faibles et nécessitent une assurance, ce qui prend toujours du temps, surtout à ski. Finalement nous irons le plus haut possible à ski, sans atteindre la bréche (accessible avec un peu d'escalade, mais il faut trouver le passage). La descente n'est pas très bonne, la neige étant lourde et mouillée. Il n'a pas gelé et cela sent le mauvais temps.
Pourtant nous obliquons en bas du glacier du Tacul vers les échelles conduisant au refuge du Couvercle. La montée est un peu rude, avec les skis sur le dos et c'est avec plaisir qu'on voit arriver la combe finale. Nous mettrons les skis dans cette combe pour ateindre le refuge. Celui-ci est plutôt bien occupé. C'est le refuge d'hiver, l'ancien refuge installé sous la pierre qui fait couvercle. Le grand dortoir est plein et il y a un foutoir qui ne laisse pas espérer une bonne nuit. Heureusement nous trouvons un petit dortoir de 4 places installé au fond de la salle de séjour.
La nuit sera impressionnante. La tempête s'est levé et on entend le vent siffler dans les moindres fissures du refuge. Il n'est pas question le lendemain matin de partir s'aventurer sur le glacier de Taléfre. Comme la pluie menace, nous nous dépéchons de commencer la descente. Mais la pluie nous rattrape avant les échelles. Il faut descendre ces échelles trempées, les skis sur le dos et sans pouvoir mettre de poncho. Et ce n'est pas fini, il faut maintenant descendre toute la Mer de Glace sous la pluie et c'est long. L'eau finit toujours par traverser et c'est trempés jusqu'aux os que nous arrivons au Montenvers. Dans la salle à manger, je me déshabillerai presque complétement pour mettre les quelques vétements secs que j'ai encore dans mon sac.
Rejoindre le refuge est beaucoup moins évident. Je me rappelais le chemin qui grimpe dans la falaise en été, mais en hiver la falaise était bien enneigée et il n'était pas question de rejoindre le refuge par l'itinéraire d'été. Finalement nous remontons un couloir de neige qui rejoint les chiottes du refuge. Il y a là un petit passage d'escalade que nous appelerons "passage des chiottes".
Le "passage des chiottes" est encore plus amusant le matin, quand c'est encore nuit et qu'il faut poser un petit rappel pour descendre et rejoindre le couloir avec tout le barda. Jean s'en souvient encore...!
L'objectif du lendemain était le col du Mt Mallet, mais nous calerons en route, au milieu du glacier du Mt Mallet. La descente sera extra, dans une belle poudreuse et surtout elle se poursuit jusqu'au télésiège du Montenvers.
Le fond du glacier de Leschaux avec la splendeur des Grandes Jorasses est extraordinaire, mais il est trop perturbé par la bêtise des avions qui viennent s'exercer à atterrir sur la neige du glacier. Leur bruit résonne dans tout le crique des Jorasses et c'est vraiment insupportable. Je ne comprends pas que Chamonix accepte ce genre de nuisance. Les avions sont généralement interdits dans les montagnes françaises (voir l'Oisans ou la Vanoise) et il n'y a que dans le Massif du Mt Blanc qu'ils peuvent faire ce qu'ils veulent.
Mais dans l'ensemble, ce fut finalement une excellente randonnée de haute montagne.Elle demande une certaine expérience et beaucoup de précautions pour évoluer dans ce monde hostile de glaciers. Je la referai volontier pour réussir enfin à gravir la Pointe Isabelle qui m'a nargué deux fois, mais je pense que ce sera plutôt un plaisir réservé à la nouvelle génération.