Jean Onimus

 

1 septembre 1909

3 août 2007

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Obsèques le lundi 6 août 2007
en l’église de Valbonne


Entrée

Largo de Haendel.

Accueil

 

 

Papa,

 

Vous avez d’abord été le petit garçon de Cap d’Ail qui avait perfectionné une lunette astronomique avec du carton et qui collectionnait les pierres, puis l’étudiant un peu mystique qui découvrait la liberté à Paris, donnait ses rendez-vous près des statues des reines de France du jardin du Luxembourg, puis le célibataire amoureux de la vie en Tunisie et en Roumanie, enfin le fiancé transi devant une belle Antiboise de souche provençale. Celle-ci a d’ailleurs bien hésité lors de votre demande en mariage, sa seule réponse ayant été : « C’est une question grave. »

Vous avez accumulé des connaissances sans fin, votre mémoire constituait une encyclopédie vivante. Professeur de khâgne, professeur à l’Université de Nice, Légion d’Honneur et autres médailles, humaniste, écrivain avec plus de trente livres sur la littérature, la poésie, l’éducation, la religion et le sens de la vie, vous avez creusé tous les sujets essentiels de notre époque.

Vous aviez un besoin toujours insatisfait de comprendre et la Recherche (avec un grand R) était pour vous la voie obligée pour réaliser l’homme de demain. Jusqu’aux derniers jours de votre vie, vous avez lutté pour comprendre les théories modernes qui permettent de remonter l’histoire de l’univers. Dans votre effort désespéré pour sonder le mystère de la vie, vous avez abordé la mécanique quantique, la cosmologie, les théories de la complexité. Vous avez ainsi su intégrer les connaissances les plus pointues sur notre univers et cela vous a amené à repenser tout le processus religieux, ce sentiment très profond, ancré dans l'être humain et dont il est très difficile finalement de se passer.

Vous avez ainsi mis en question ce fatras poussiéreux de traditions hérité de nos ancêtres, un fatras qui englue le divin et l’empêche de s’exprimer. Dans ce monde où l’Evolution (avec un grand E) tient désormais une place centrale, vous avez cherché une nouvelle façon de comprendre le divin. Pour cela, vous vous êtes rapproché du message que Jésus nous a laissé. Vous avez recherché dans les Evangiles canoniques et apocryphes les textes les plus authentiques pour tenter de les sortir du magma doctrinaire que vous abhorrez. Ces textes choisis font aujourd’hui l’objet d’un de vos derniers livres, « Ce que Jésus a vraiment dit » (à paraître). Je ne peux pas m’empêcher de citer un passage de ce livre, un passage qui synthétise bien votre vision du divin :

 

Si Dieu n’est pas une personne, mais une force universelle qui maintient l’univers, alors la prière n’est plus une demande d’aide qui s’adresse à un potentat qu’il faut flatter, soudoyer, séduire. La prière change de nature, elle devient une célébration, une sorte de reconnaissance, une promesse de participation active au Devenir universel.

 

Et puis il y a ce dernier livre, « L’Evolution du Divin » (à paraître également), dont je voudrais également citer un passage parce qu’il reflète bien votre  itinéraire dans la vie :

 

« J’ai toujours tenté de vivre intensément : amour, études, voyages, enseignement, recherche et curiosités de toutes sortes, sans cesse renaissantes. Des circonstances douloureuses, les convulsions de la guerre ont plusieurs fois bouleversé ma vie ; de multiples activités, entre autres sportives, mais surtout intellectuelles et spirituelles, ont rempli à pleins bords ses étapes successives. Je n’ai jamais eu le temps de m’ennuyer ! Il y a eu, sans cesse, du nouveau et des expériences intéressantes. L’étude des littératures m’a donné une idée des immensités encore inexplorées du cœur et de l’esprit humain. Un peu déçu par la verbosité des philosophies, je me suis ensuite tourné vers les sciences. J’ai trouvé des vulgarisateurs de grand talent qui ont réussi à m’y introduire : cosmologie, biologie, physique quantique etc… m’ont passionné. Je m’y suis heurté certes à d’autres barrières, mais que d’émerveillements !

 

C’est cela ! « Emerveillement » ! Un mot magique qui reflète cette soif que vous aviez de vivre intensément chaque minute de votre vie. Un mot qui a même fait l’objet d’un autre livre (Essais sur l’émerveillement)

                                                                                                                             

Papa, vous avez été profondément humaniste, vous avez toujours cru dans le pouvoir créateur de l’homme. Je pense que votre famille a été le creuset de cette réflexion, elle a représenté une force créatrice qui a fertilisé votre esprit et vous a donné cette confiance dans l’avenir. Pour un enfant unique de Cap d’Ail, c’était quand même un défi de donner le jour, en pleine guerre, à une famille que vous vouliez nombreuse. Il fallait vraiment y croire. Pourtant cette famille, vous l'avez créée avec maman malgré les soucis qui s’accumulaient. Vous l’avez voulue pleine d'amour et imbibée de cette sauce spirituelle dont vous aviez le secret. Un savant dosage de générosité, de bon sens, d’humour, d'amour et surtout d'enthousiasme. L'enthousiasme est toujours resté la pierre angulaire de votre action. Toujours se passionner, conserver un esprit critique, un esprit curieux, un esprit éveillé. Vous aviez inscrit ces mots sur la cheminée de La Pinède. : Qui non diligit, manet in morte, « Qui n’aime pas, reste dans la mort », mais diligit signifie aussi avancer, se dépêcher (vous étiez toujours pressé !). Ce mot reflète bien cet enthousiasme, cette curiosité intellectuelle qui vous a toujours poussé en avant.

Des souvenirs, nous, les enfants, en avons emmagasiné beaucoup durant notre enfance, comme le départ en vacances dans la Citroën 11CV, la galerie sur le toit, la remorque qui déborde, Marthe, le dernier bébé, installée dans son hamac en travers de la voiture (cas sans doute passible d’un retrait de permis à notre époque… !) ; comme aussi le camping toujours sauvage, dans des endroits perdus de la montagne où nous jouions au jeu des villes sous la tente pendant les longues journées de pluie ; ou encore pour les premiers enfants, les oiseaux que vous aviez peints au-dessus de chacun des chevets à la Solitude, des oiseaux dont le vol épuré a bercé nos rêves.

 

Papa, vous nous quittez, mais vous continuez à vivre par tous vos enfants et leurs conjoints, par vos petits-enfants et vos arrière-petits-enfants. Vous continuez à vivre par vos écrits, vos livres qui ont pu contribuer à faire progresser la réflexion de certains. Vous continuez à vivre par cet esprit familial qui nous rassemble.. Vous continuez à vivre par maman qui va bientôt vous rejoindre, mais dont la seule présence rassemble la famille et dont les histoires d’Ernest et d’Ernestine restent dans la mémoire des petits-enfants.

 

Papa, merci de nous avoir fait ce que nous sommes et de nous laisser tant de souvenirs… Merci pour tout.

Jean-Pierre Onimus

 

 

Lectures

 

 

 

 

à     Extrait de « Chemins de l’espérance » de Jean Onimus.

 

 

 

Pour grand-papa, le Divin n’est pas une entité, un Etre séparé de nous, il est dans la création, mais pas diffus ni éparpillé dans les choses… C’est bien plutôt comme un mouvement unique qui nous traverse et nous conduit en avant. Il écrit dans  Chemins de l’espérance  :

 


« On parle d’aimer Dieu, mais l’expression, quand on y songe, n’a pas concrètement beaucoup de sens !

Si l’on veut être concret, il faut passer par la création : aimer Dieu, cela revient alors à dire oui à la création, un oui parfois rudement conquis sur la révolte et les refus, un oui qui aurait surmonté l’angoisse, voire l’indignation.

Ce n’est pas facile ! Car ce oui primordial ne saurait résulter d’une résignation fatiguée, mais d’une rencontre et d’une joie : la rencontre d’une réalité fertile et toujours renaissante, la joie de participer à l’aventure universelle, une joie instinctive qui fait chanter le travailleur, inspire l’artiste, anime les créateurs en tous domaines et nourrit, dans la nature, le bonheur de porter fruit.


L’amour pour le Divin ne peut être que cosmique !

 

C’est le chant de la créature heureuse d’être, le chant de la création en gésine, le chant de l’espérance et de la confiance dans la vie. »

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

à     Psaume 103.
Refrain : « Je bénirai le Seigneur toujours et partout »

 

 

Bénis le Seigneur, mon âme,

Du fond de mon être, son saint nom.

Bénis le Seigneur, mon âme,

N’oublie aucun de ses bienfaits.


refrain : Je bénirai le Seigneur, toujours et partout


Le Seigneur est tendresse et pitié,

Lent à la colère et plein d’amour ;

Elle n’est pas jusqu’à la fin, sa querelle,

Elle n’est pas pour toujours, sa rancune ;

Il ne nous traite pas selon nos fautes,

Ne nous rend pas selon nos offenses.


refrain

Comme est la tendresse d’un père pour ses fils,

Tendre est le Seigneur pour qui le craint ;

Il sait de quoi nous sommes pétris,

Il se souvient que nous sommes poussière.

L’amour du Seigneur pour qui le craint

est de toujours à toujours.


refrain

Bénissez le Seigneur, tous ses serviteurs,

Ouvriers de son désir.

Bénissez le Seigneur, toutes ses œuvres,

En tous lieux de son domaine.


Bénis le Seigneur, mon âme.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

à     Extraits de textes de Teilhard de Chardin.

 

 

 

Teilhard :        Ecrits du temps de la guerre (Grasset 65, p 4)

                        Le Cœur de la Matière (Seuil 76, p63)

 

 

 

 

Avec Mario Craviari, (un de ses fidèles amis proches et aussi teilhardien que lui) nous avons choisi deux courts extraits de l’œuvre de Teilhard de Chardin.

 

 

D’abord ces quelques lignes qui introduisent le premier texte de Teilhard :

 

« J’écris ces lignes par exubérance de vie et par besoin de vivre ; pour exprimer une passion de la Terre, et pour chercher une solution aux doutes de mon action ; parce ce que j’aime l’Univers, ses énergies, ses secrets, ses espérances. Je veux laisser s’exhaler ici mon amour de la matière et de la vie, et l’harmoniser, si possible, avec l’adoration de la seule et définitive Divinité. »

 

 

 

Et enfin, ce passage écrit vers la fin de sa vie :

 

« M’être haussé jusqu’à découvrir l’Univers comme une sorte de jaillissement où tout effort de recherche, toute volonté de création, toute acceptation de souffrance, convergent vers l’avant en un seul dard éblouissant, tel est, en fin de compte, le sommet gravi d’où, au terme de mon existence, je continue de plus belle à scruter l’avenir, pour y mieux voir monter Dieu. »

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Evangile

 

Luc 11, 33 à 36

 

« Personne, après avoir allumé une lampe, ne la met en quelque endroit caché ou sous le boisseau, mais bien sur le lampadaire, pour que ceux qui pénètrent voient la clarté. La lampe du corps c’est ton œil. Lorsque ton œil est sain, ton corps tout entier est aussi lumineux ; mais lorsqu’il est malade, ton corps aussi est ténébreux. Vois donc si la lumière qui est en toi n’est pas ténèbre ! Si donc ton corps tout entier est lumineux, sans aucune partie ténébreuse, il sera  lumineux tout entier, comme la lampe t’illumine de son éclat. »

 

 

 

 

PRIERE POUR LES DEFUNTS

 

Nous prions pour Dominique Onimus, Aymeric Lemée, Djedjiga Reba, les défunts des familles Onimus, Bousquet et des familles amies.

 

 

 

Notre père

 

Ecrit par Jean Onimus en 2005 à l’occasion d’une célébration.

 

 

Notre Père,

Vous êtes là, au plus intime de mon être,

Que votre puissance créatrice s’exerce partout, qu’elle soit reconnue de tous.

Développez en moi aujourd’hui notre besoin de plénitude.

Ne nous mettez pas à l’épreuve en nous laissant nous égarer loin du chemin qui va vers vous,

Mais concentrez tous nos efforts en direction de ce qui, en nous, vous ressemble.

 

 

Communion

Aria de Bach

 

 

Dernier adieu

 

à     Témoignages

 

    Pierre de Givenchy, éditeur de Jean Onimus

 

 

    Jean-Marie Barnaud, ancien étudiant de Jean Onimus, poète et écrivain.

 

 

    Les petits-enfants à travers les voix de Bertrand, Valérie et Etienne:

 

Bertrand :

 

Grand Papa,

 

Tu as été à l’origine, avec Grand Maman, de cette grande famille. Sept enfants, 28 petits enfants et 24 arrière-petits enfants.

 

Toute ta vie tu as été cette force de cohésion qui nous a si souvent tous réunis. Que ce soit à Valbonne où l’accueil a toujours été chaleureux, à Esteing, à Cervières ou encore à Chamonix… ce furent à chaque fois des moments extraordinaires pour tes petits-enfants, cette fameuse tribu des cousins … Nous avons tous des souvenirs de ces moments passés sous ton aile. Ce sera à nous maintenant de perpétuer cet « esprit familial ».

 

Deux ans après le départ d’Aymeric  c’est aujourd’hui pour ton départ  à toi que nous sommes réunis.

 

Merci Grand Papa pour ce que tu as été et pour tout ce que tu as fait pour nous tous.

 

 

 

Valérie :

 

Grand- Papa

 

Nous les petits-enfants qui avons eu le privilège de te tutoyer, nous sommes heureux de t’avoir connu, d’avoir visité avec toi ton potager, goûté tes légumes, répondu à tes questions toujours curieuses sur nos activités et nos études, suivi tes pas lors de nos premières promenades, découvert la beauté des sommets et des glaciers, écouté les discussions passionnantes des sujets dont nous n’avions même pas idée, partagé ton émerveillement sur toutes les choses de la nature et de la vie…

 

Pour tout cela, et bien d’autres choses encore, nous sommes heureux que tu sois notre Grand Papa.

 

 

Etienne : lit un texte de son frère Thomas

 

 

Cher Grand-papa,

 

J'ai été heureux de venir te voir une dernière fois à Valbonne il y a quelques jours, même si je te reconnaissais à peine, même si tu m'as à peine reconnu. Même si c’était un peu triste. Il y avait quelque chose de beau et de paisible à te voir une dernière fois avec Grand-maman sous le même tilleul, dans la vieille maison, le tic tac de l’horloge, les photos des arrières petits-enfants, et les oliviers.

 

Tu nous faisais un peu peur des fois quand on était petit dans le bac à sable. Comme un géant qui partait arroser son jardin. Et puis tout d’un coup tu t’arrêtais de marcher et tu chantais : « le sucre c’est du poison… Je suis le roi des cons… » Et ça nous faisait rire à chaque fois.

 

Moi c’est comme ça que je veux me souvenir de toi : un géant qui arrose son jardin en chantant.

 

Depuis longtemps il ne poussait plus grand-chose dans ce jardin… mais j’ai vu il y a quelques jours que Matthieu le faisait revivre. Il nous a fait manger des tomates à Grand-maman, maman et moi.

 

Alors merci grand-papa de partir sans mourir vraiment.

 

 

 

 

à     Bénédiction : « Après un rêve » de Fauré

 

Sortie

 

« Jésus que ma joie demeure » JS Bach


Texte d’adieu de son ami Edgar Morin

 

 

Jean Onimus nous a quittés à l’âge de 98 ans. Né à Marseille, agrégé de lettres classiques, professeur de lycée à Tunis puis Bucarest, il soutient une thèse de doctorat d’Etat sur Péguy et devient professeur de littérature française à l’université d’Aix puis celle de Nice.Il a enseigné en de nombreuses universités étrangères aux Etats-Unis, Afrique du sud, Nouvelle-Zélande, Brésil Canada.

 

Son immense culture nourrissait un christianisme interrogatif, vivifié par Teilhard de Chardin, ouvert sur les problèmes de l’univers et de la connaissance. Je lui dois l’initiative d’un grand colloque interdisciplinaire à l’Université de Nice après la publication de mon premier volume de la méthode.

 

Son œuvre très  diverse  exprime la richesse de sa personnalité. Elle comporte des essais sur l’éducation et la famille, des essais sur la littérature et la poésie, dont un essai sur la connaissance poétique,   des essais  sur l’art, des essais sur la crise du monde actuel, des essais sur la religion. Chacune de ses œuvres comporte une vision pertinente et originale qui incite à la réflexion

 

Sa bonté, son intelligence, sa sérénité nous enchantaient. C’était toujours un émouvant et fraternel pèlerinage d’aller le rencontrer Chemin du Tameyé à Valbonne.

 

A son épouse Marinette, à ses sept enfants, 28 petits-enfants, 24 arrière-petits-enfants,  tous ses amis adressent leurs condoléances émues et perpétueront le souvenir de Jean Onimus.

 

 

Edgar Morin, le 6 août 2007