L'Arben Biwak (fin avril 2007)
L'ArbenBiwak m'avait été dévoilé par François Renard dans la revue du CAF Paris. Un délicieux petit refuge suisse accroché sur les flancs de l'Ober Gabelhorn, face au Matterhorn (ou Cervin en français).
Mais reprenons par le commencement. Il y avait longtemps que je caressais l'idée de dormir à l'Arben Biwak. C'était plutôt un caprice parce qu'il n'y a aucun sommet accessible à ski de ce refuge, son principal objectif étant de desservir les alpinistes qui viennent escalader les différentes voies offertes par la face rocheuse imposante de l'Ober Gabelhorn. Il fallait donc imaginer une randonnée qui apporte par ailleurs quelques ascensions intéressantes, tout en sachant qu'un jour serait perdu à descendre l'Arbengandegge, ce vallon austère qui mène à l'Arben Biwak. Le schéma général est vite trouvé : ce sera un départ de Zinal par la cabane des Mountets, ensuite col Durand, Mont Durant (3713), Schönbiel hütte, col de Valpelline, Tête de Valpelline (3802), col de la Division, Rifugio Aosta, épaule de la Dent d'Hérens (4000) en A/R et retour par le glacier du Zmutt vers Zermatt.
Le premier jour nous nous retrouvons cinq (Jean Sanouillet, Jean Bernard, Michel et Bertrand, enfin Jean-Pierre, l'auteur de ce petit compte-rendu) dans un petit hôtel de Zinal où le vin de Dole s'averra excellent.
Départ le lendemain vers 7 heures pour une longue montée vers la cabane des Mountets. La neige est loin et il faut porter dans la caillasse pendant plus d'une heure avant de pouvoir enfin chausser les skis.
La cabane est au standard suisse, confortable, bien chauffée et avec des pâtes bolognaises au menu.
Le spectacle est bien sûr la Dent Blanche qui nous dévoile sa face Nord et l'Ober Gabelhorn, une face glacière qui domine devant le refuge. La balade classique, le Zinalrothorn, se cache sur l'Est (à skis, on peut accéder à l'épaule, 4017m).
Le deuxième jour nous voit dans le mur du col Durand, que l'on monte en crampons, skis sur le sac, derrière une file de gens. Le Mont Durand est fréquenté et il faudra attendre l'ArbenBiwak pour trouver la solitude.
Evidemment je me résous à limiter mes ambitions à ce col pendant que les jeunes s'en donnent à cœur joie pour grimper jusqu'à la cime du Mont Durand. Ils feront une belle descente sur une pente raide, mais avec une neige excellente.
On continue la descente sur le glacier Hohmäng pour rejoindre après une petite remontée la passe de l'Äbihorn qui permet de passer sur le glacier de l'Arben, surplombé par la face Sud de l'Ober Gabelhorn.
Là, surprise ! On aperçoit le petit refuge de l'ArbenBiwak accroché sur un promontoire rocheux. On ne voit aucun accès évident ! Nous qui pensions simplement faire un dernier virage et siroter un petit thé sur la terrasse, il semble que l'affaire ne soit pas terminée !
Effectivement il faudra remonter une pente glacière sur la droite, recouverte d'un peu de neige, qui nous conduira à un passage délicat permettant de rejoindre un grand névé. Une petite descente nous permet enfin de déchausser devant le refuge.
Il y a bien un chemin dans le rocher, bien équipé avec des chaînes, mais nous ne le repérerons que le lendemain. De toute façon ce chemin d'escalade nous aurait incité à laisser les skis au pied de la falaise, ce qui aurait été dommage…
Conseil important
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Le refuge ArbenBiwak nécessite un développement spécial. Orienté plein Sud, accroché sur un petit replat rocheux et dominant le vide, il fait face au Cervin et à la Dent d'Hérens, avec toute la chaîne du Mont Rose qui se dévoile vers l'Est. Magnifique !
Nous passerons beaucoup de temps à photographier le coucher du soleil comme son lever ! Voir la chaîne du Mont Rose éclairée par le soleil couchant permet de comprendre l'origine de son nom. Et le matin, quand le soleil commence à allumer le sommet du Cervin, le moment devient féerique.
Mais il ne faut surtout pas quitter l'ArbenBiwak sans faire un petit tour au cabinet, le matin de préférence quand le soleil entre à flots ! Le gardien de ce petit refuge non gardé est certainement un esthète, parce que quand vous découvrez ce cabinet, après avoir désescaladé un peu la falaise en s'assurant sur des chaînes fixes, vous découvrez une petite merveille. Une simple cahute accrochée au rocher abrite un siège rose, tout propre avec même une chasse d'eau (qui marche seulement en été quand l'adduction d'eau est installée). Assis sur ce siège confortable, chauffé par le soleil levant, face au Cervin et à la chaîne du Mont Rose qui se profile plus loin, on pourrait rester des heures ! Evidemment il faut avoir le cœur bien accroché, parce que le sol est recouvert d'une couche de glace et un geste malencontreux peut vous envoyer direct jusqu'en bas de la falaise !
Vous avez compris, il ne faut pas vouloir quitter ce refuge avant 8 heures du matin si on veut en profiter pleinement. C'est d'ailleurs nécessaire pour que la neige gelée en surface acquière la souplesse qui fera de la descente un rêve.
Cette année le glacier du Zmutt, aux pieds du Cervin, est complètement déneigé (pourtant nous ne sommes qu'en avril…) et il faut remonter la moraine menant à la Schönbiel hütte skis sur le sac. C'est lourd...
Nous aurons beaucoup porté durant cette randonnée. C'est d'ailleurs cette absence de neige qui va nous faire renoncer au retour par Zermatt. Nous préférerons la descente sur Arolla par le glacier homonyme et avec raison comme la suite le prouvera.
Le refuge Schönbiel est posé sur une butte au-dessus du glacier, face au Cervin. Confortable, il est tenu par deux femmes sympathiques et un chien.
Malgré des appels du pied accentués, il faudra tout le talent relationnel de notre ami Jean Bernard pour arriver à décider ces deux femmes de nous octroyer le dortoir pour cinq, plutôt que de nous placer avec une dizaine d'allemands assez bruyants !
Le repas est standard refuge suisse : pâtes bolognaises !
Le dernier jour sera long, puisque nous voulons rejoindre Arolla. Déjà ça commence fort avec la descente du refuge sur le glacier du Zmutt, skis sur les épaules, par un chemin escarpé et une caillasse qui vous coupe les jambes. Vraiment il ne faut pas aller à la Schönbiel hütte quand il n'y a pas assez de neige.
La montée au col de Valpelline est longue, le soleil tape fort et on n'en voit pas le bout. Au col, on croise les skieurs qui font la haute route dans l'autre sens. On leur souhaite bon courage pour la descente à pieds sur le Zmutt, jusqu'à Zermatt (je n'ose pas m'imaginer à leur place !). Les jeunes (Michel, Bertrand et même Jean Bernard) vont bien sûr conquérir la Tête de Valpelline, ce qui me permet (avec Jean Sanouillet) d'apprécier leur technique de descente.
Nous rejoignons sans problème le col du Mt Brulé, dont la descente par un couloir assez raide inquiétera Jean. Il ne reste plus qu'à nous laisser glisser jusqu'en bas du glacier d'Arolla, en passant en dessous du joli refuge des Bouquetins. C'est là le pouvoir merveilleux du ski, qui permet de parcourir de grandes distances dans un temps réduit. Nous aurons une heure de portage pour rejoindre Arolla et la " poste à auto ", ce qui est sans commune mesure avec à ce que nous aurions vécu si nous étions descendus sur Zermatt.
Ce cru 2007 fut excellent finalement, malgré l'enneigement très déficitaire (quasiment rien en dessous de 2700m). Nous avons court-circuité le refuge d'Aosta (qui nous aurait certainement servi des pâtes bolognaises!) à cause du temps qui se dégradait, mais aussi à cause du manque de neige.
Je garderai le souvenir de l'ArbenBiwak comme quelque chose de très précieux, un refuge situé hors des passages fréquentés où on aimerait séjourner sans rien faire, juste pour le plaisir de l'ambiance.