Trek sur les
plateaux sauvages
du Haut Atlas marocain
(Format imprimable : Trek du Mgoun.doc)
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TABLE
bivouac
d’Arous (2234) Tizi Tarkeditt (3400) Sources de la Tessawt (2930)
Bivouac de
Tarkeditt (2930) Mgoun (4068)
Bivouac
d’Oulilimt (2800) Vallée de l’Oulilimt Aïn Aflalal (2336)
Bivouac
d’Aïn Aflalal (2336) Vallée du Mgoun Tichki (2196)
Bivouac de
Tichki (2196) Le Bouzgou (3444) Lac Izourar (2526)
Bivouac de
Izourar vallée de Bou Guemez Zawyat
Oulmzi (2150)
Bivouac
d’Oulmzi (2150) Tagine chez Hassan Transport à Zawyat Ahançal
Gîte de
Zawyat Ahançal Aller/retour vers Taghia Rencontre avec la caravane des enfants
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Tout a commencé par une idée un peu folle de François : amener ses amis sur les lieux qui ont servi de décor à l’éclosion de son amour avec Kawtar. Connaissant François, cela ne pouvait pas être dans la plaine, encore moins dans une ville comme Fez ! Non ! C’était nécessairement dans la montagne et dans sa partie la plus sauvage : les grands plateaux du Haut Atlas ! Donc voilà qu’il lance son invitation à tous ses amis pour séjourner dans un merveilleux gîte à Zawyat Ahançal (1595m), un spot d’escalade avec des gorges splendides. Bien sûr on imagine tout de suite que c’est ici que tout a commencé, il y a 15 ans. Même le guide pressenti (Mustapha) n’osera pas discuter sur le choix de ce gîte… Rétrospectivement on frémit à l’idée qu’on aurait pu passer plusieurs jours dans cet endroit nauséabond, mais n’anticipons pas.
L’idée du Haut Atlas conduit nécessairement aux deux 4000m du Maroc, le Mgoun ou le Toubkal, aussi je propose rapidement un trek permettant la traversée de ce premier sommet qui culmine à 4068m. Petit à petit, au fur et à mesure des échanges d’e_mails, il se dégage l’idée de deux treks : un trek enfants (15 enfants de tout âge participeront à ce trek, la plus petite, Flora, ayant 4 ans et demi) et le trek du Mgoun réservé aux libérés, c’est à dire ceux qui n’ont plus de charge familiale ou ceux qui n’en ont pas encore. Nous serons finalement 7 pour ce trek du Mgoun, dont deux Chibani, une Chibana, un couple dont la jeunesse ne s’éteint pas et qui avait stocké la petite dernière auprès de sa grande sœur, enfin deux jeunes un peu perdus.
Mustapha, le grand organisateur local, prend tout cela en charge. Ce sera un trek confortable, en pension complète, avec cuisinier, guide, des mules avec leurs muletiers (en général il y a un muletier par mule). Nous aurons droit à 6 mules pour le trek du Mgoun. Le trek enfants dispose de 21 mules, deux cuisiniers, deux guides et autant de muletiers que de mules. Une vraie caravane qui attirera tous les regards dans la traversée de la vallée heureuse (la vallée des BouGuemez). Une dizaine de mules sont réservées pour les enfants, du moins les plus petits. Certains feront même leur sieste dans les bras du muletier. D’autres tomberont amoureuses de leur mule et ne voudront plus la quitter…
La finalisation des deux treks se fait sur le pouce dans le hall de l’hôtel Imichmil à Marrakech où tout le monde se retrouve (par 45° à l’ombre). Au dernier moment il est décidé d’inverser les circuits et de partir d’Agouti initialement prévu comme lieu d’arrivée. Ma foi pourquoi pas tant que le Mgoun reste l’objectif ! On comprend à peu près le cheminement pour les premières étapes, pour les suivantes, cela reste un peu flou.
Participants au trek du Mgoun (7 personnes) : Odile et John Hellman, Thomas Hellman, Christine et Henri Onimus, Hélène Onimus, Jean-Pierre Onimus.
Remerciements : A Kawtar et François pour l’idée et l’organisation.
A tous leurs amis qui sont venus avec leurs enfants participer à cette folle randonnée et qui ont su apporter ce rare plaisir d’être ensemble.
Nous voilà donc tous (c’est à dire 32 personnes enfant inclus) rassemblés sur un plateau au-dessus d’Agouti (1815m) après un trajet de 7 heures à bord de trois minibus surchauffés et surchargés avec tout le matériel plus nos sacs. Les 27 mules sont là avec le personnel. Le matériel, lui, est déchargé du toit des minibus où il formait des échafaudages impressionnants. Une partie de ces échafaudages est alors transférée sur le dos des 6 mules qui accompagneront notre groupe du Mgoun ! (photo1, photo2, photo3)
Auparavant il y a eu un pique nique un peu après la ville d’Azilal sur les premiers contreforts de l’Atlas, pique nique constitué d’un sandwich étrange : le pain rond et plat classique du Maroc avec à l’intérieur une aile ou une patte de poulet et des frites (on ne connaît pas le pan-bagnat ici !).
C’est maintenant la séparation. Le groupe Mgoun (photo) doit encore marcher 4 heures pour bivouaquer au bout de la riche vallée d’Arous (vers 2234m). Le groupe enfant bivouaque sur place. Nous les abandonnons donc, ces 15enfants et leurs parents, avec un petit sentiment de culpabilité : pour nous c’est la liberté sans autres contraintes que l’effort personnel ! Peut-être aurions-nous dû rester avec eux pour contribuer à canaliser un désordre charmant et participer à une aventure qui va sans doute être bien différente de celle que nous allons vivre !
La montée au bivouac d’Arous se fait par un joli chemin qui serpente entre les champs de seigle ou de blé. L’eau coule partout dans une myriade de canaux dont j’imagine la gestion complexe, chaque champ devant avoir un accès périodique à l’eau. Ce sont de très petits champs, presque des jardins et chaque pouce de terrain compte.
Dans les champs, le seigle (ou le blé un peu plus tard) est fauché à la faucille, lié et apporté sur l’aire de battage. Là on attelle trois mules ou ânes en ligne pour tourner autour d’un piquet central un couple d’heures. Cela casse les épis. Reste à trier la paille. Ici c’est la méthode bien connue des Onimus pour les olives qui s’applique : le jeté. Exactement comme pour les olives, on prend une poignée de grains mélangés à la paille et on la lance en l’air. Le vent emporte la paille et les grains tombent en tas Les grains sont moulus dans des moulins à eau. Le tri entre la farine et le son est réalisé à la main par les femmes à l’aide de tamis (des vans).
Bien sûr les maisons sont toutes couvertes d’une terrasse, sans toit en pente, comme partout au Maroc. La terrasse est constituée de poutres (de genévrier malheureusement comme on le verra plus tard), d’une couche de plastique et d’une bonne épaisseur de terre. Cela assure une agréable fraîcheur en été et conserve la chaleur en hiver quand la neige arrive. Je m’interroge sur les vaches qu’on entend parfois meugler mais qu’on ne voit jamais. Et effectivement les pauvres bêtes n’ont pas le droit de sortir de l’abri où elles demeurent (en général il y a une vache par ferme). Evidemment il n’y a pas de pâturage ! La terre irriguée est bien trop précieuse pour laisser les vaches aller aux champs, chaque soir on leur apporte de l’herbe fraîche coupée à la faucille (la faux ne semble pas exister dans ces trop petits jardins).
En marchant nous faisons connaissance avec notre guide, Hamid. Il est jeune, pas encore marié (mais il nous montrera la photo de sa promise !). Il a fait des études littéraires et connaît l’arabe du Coran, mais sa passion, c’est la botanique. Pendant les longues heures de marche que nous partagerons, il ne cessera de m’apprendre (avec beaucoup de difficultés, ma mémoire ne s’étend pas améliorée avec l’âge) les différents noms des plantes de l’Atlas. Il est vif, dur à la marche. On sent en lui une passion, une fierté pour sa montagne dont il voudrait préserver la pureté et la beauté. D’ailleurs il collabore avec l’Office marocain des Eaux et Forêts pour lequel il effectue certaines missions d’enquête.
Bientôt nous dépassons la limite de l’irrigation et les jardins cultivés disparaissent. Finie la verdure et le chant des canaux, on entre dans le domaine des petits bosquets de genêt (photo1, photo2). Ce sont des « genêts scorpion » qui poussent entre 1500 et 1900m m’enseigne Hamid.
Les mules vont nettement plus vite que nous et je profite de leur passage pour photographier le chargement presque aussi haut que sur le toit des minibus (photo1, photo2). Une mule est spécialement dédiée à la cuisine, on verra plus tard pourquoi.
Les filles regretteront les jours suivants ces bosquets de genêts quand il n’y aura plus que des « coussinets » (entre 1900 et 3000m) qui ne cachent rien aux bergers qu’on devine un peu partout. En effet, dans le pays des coussinets, les bergers viennent s’installer en famille avec leurs moutons. Tout ce monde vit dans des espèces de gourbis situés à proximité d’une source ou d’un puits. On voit souvent les enfants porter des bidons d’eau avec l’aide parfois d’un âne. Ce sont des nomades qui viennent parfois de loin pour profiter des « coussinets » de la montagne. Je mettrai quelque temps à comprendre que l’alpage n’existe pas dans l’Atlas et que les moutons ou chèvres doivent se contenter de ces touffes piquantes qui parsèment la rocaille sur les hauts plateaux. Un mouton du Mercantour n’y survivrait sans doute pas ! Au bivouac d’Aïn Aflafal, je me ferai enfin expliquer par Hamid, le botaniste, les différentes espèces de « coussinets ».
Nous sommes déjà au-dessus de 2000m mais il fait chaud au soleil quand nous découvrons un « café » au bord d’une source avec un peu d’herbe verte autour ! (photo) Le berbère vend du coca cola conservé bien frais dans l’eau de la source. Sur la deuxième photo on voit Christine entrain de négocier le change d’un billet de 100dirhams avec le patron. Il y a là une petite fille charmante qui nous regarde nous étaler dans l’herbe. En général, les enfants berbères des montagnes de l’Atlas sont attachants, avec de jolis visages. Les filles en particulier portent des robes colorées et un foulard qui vient plutôt comme une parure que comme le masque islamique destiné à cacher la féminité.
Le bivouac se situe à l’entrée des gorges d’Arous, à 2234m. Les mules sont arrivées bien avant nous et le camp est partiellement monté quand nous arrivons. Un canal qui dérive une source située un peu plus haut fournira l’eau pour l’étape. C’est un souci du guide de trouver des lieux de bivouac proches d’une source d’eau. Les sources existent dans cette montagne aride mais il faut les connaître. Les gens du pays boivent sans problème cette eau qui semble pure et bien fraîche, mais Hamid nous conseille d’utiliser le désinfectant dont nous nous sommes pourvus.
Il est tard (peut-être 9h déjà) et après avoir aidé à monter les petites tentes et nous être un peu lavés au canal, nous attendons les repas dans la tente salle à manger. Le pastis est servi tout de suite à la façon marocaine, c’est à dire un thé à la menthe très sucré. Cela réconforte bien après la marche et la chaleur de la montée. La tagine qui suit est excellente et nous applaudissons notre cuisinier Mohamed. Le service procède d’un rituel bien établi par Hamid (le seul à participer à nos agapes, les autres dînent sous la tente cuisine). D’abord les matelas prévus pour le couchage sont étalés en carré avec au centre un tapis qui sert de nappe (photo d’un petit déjeuner). On mange couché sur le côté ou assis en tailleur. Aucune de ces positions ne me convient bien, de même que pour John, et ce sera le petit supplice de la randonnée. Je regrette de ne pas avoir emporté un petit siège pliant. Mais la délicatesse du service réalisé par Hamid fait oublier ce petit inconvénient. Il commence par distribuer les couverts enveloppés dans une serviette de papier. Ensuite il sert la soupe en remplissant chaque bol en deux grands gestes de la louche, gestes destinés à éliminer la goutte.
Par moments je trouve qu’il pourrait aller plus vite, il se fait tard et dans un refuge français il y a longtemps qu’on serait au lit ! Mais il faut se faire au rythme marocain qui méprise la montre. Ne pas être pressé, accepter les choses comme elles viennent, oublier le temps et simplement se rappeler le mot clé : inch Allah !
bivouac d’Arous (2234)
Tizi Tarkeditt (3400)
Sources de la Tessawt (2930)
Le guide nous réveille assez tard et les muletiers ont déjà démonté les tentes salle à manger et cuisine. Cela ne nous empêche pas de faire honneur au petit déjeuner, le soleil matinal n’étant pas encore trop brûlant (photo1, photo2). Ensuite le chemin reprend au fond du vallon qui monte au tizi (mot arabe pour col) Gurisklyk (2909). Nous profitons des derniers bosquets de buis pour les sacrifices à la nature matinaux. Nous expérimentons également le briquet pour brûler les papiers de toilette. Efficace, il ne reste rien (du papier bien sûr !), il faut seulement faire attention que le feu ne prenne pas à côté. Mais dans ce pays des « coussinets », il n’y a pas beaucoup de chance !
Au col, nous faisons une pause (photo) en regardant une caravane de dromadaires (une bosse) qui monte d’une autre vallée. Ces dromadaires là appartiennent à des nomades, ils cherchent de la pâture, c’est à dire des coussinets.
La montée continue après ce col pour atteindre enfin le Tizi Tarkeditt à 3400m. De là on voit le Mgoun juste en face et plus bas le prochain bivouac établi sur une large étendue verte (photo1, photo2). De l’herbe enfin ! Mais nous serons déçus. Des sources (les sources de Tessawt) humidifient effectivement le sol, permettant à une petite herbe verte de pousser. Malheureusement la multitude de moutons, de chèvres, de mules, d’ânes désireux de changer de régime (c’est à dire manger autre chose que des coussinets) empêchent cette pauvre herbe de croître. En plus le sol est parsemé de crottes en tout genre… Néanmoins la bonne surprise sera le refuge. Parce qu’il y a un refuge apparemment bien entretenu. Enfin à peu près bien : les douches chaudes fonctionnent et sont délicieusement agréables après la longue marche du tizi Tarkeditt, mais les chiottes sont fermées, irrémédiablement bouchées, au grand désespoir de la gent féminine obligée d’aller dans des rochers au-dessus du refuge, là où tout le monde se retrouve et où les regards des bergers se portent certainement avec délectation !
Bivouac de Tarkeditt
(2930)
Mgoun (4068)
La nuit fut courte : réveil à 3h du matin. Nuit noire, ciel étoilé magnifique. Petit déjeuner qui a quelque difficulté à passer. Il fait froid (photo). Nous partons vite, abandonnant les tentes aux muletiers. John et Christine dorment encore. Ils partiront avec la caravane de mules par le tizi Oumsoud pour rejoindre directement le bivouac prévu vers 2800m. Montée dans la nuit noire et froide (pas de lune mais un ciel étoilé extraordinaire). La lampe frontale est indispensable pour seulement voir où on met les pieds. Mais le guide semble bien connaître le chemin. Bien sûr des urgences physiologiques se font sentir nécessitant des arrêts. Finalement le guide nous arrête un bon moment, ce qui permet à certains de récupérer un peu de sommeil et au jour blafard de commencer à se lever. Le premier rayon de soleil est sublime et provoque les photos (photo1, photo2). Bientôt nous rejoignons la longue crête qui nous mènera au sommet (photo1, photo2). De là le regard se perd dans l’horizon du désert. Le vent souffle mais heureusement il n’est pas trop violent. Sur la crête, au plus mauvais moment comme d’habitude, Odile a une urgence. Le guide s’occupe d’elle en la faisant descendre à l’abri (du vent et des gens qui nous suivent).
Le sommet est un régal et nous y passons une bonne heure. Rien ne presse apparemment, sauf qu’il ne fait pas chaud (mais n’oublions pas, le temps ne compte pas !). Photo1, photo2, photo3, photo4, photo5.
La descente (sur l’oued Oulilimt) est ardue au début, une rocaille assez raide dans laquelle on se laisse glisser, et nous nous félicitons de la réserve de John. Ensuite nous longeons un vallon rocailleux qui n’en finit pas. Pas encore l’ébauche d’un coussinet ! (photo1, photo2)
Arrivés à une source qui sort d’une gorge, Hamid cherche un coin de pique nique tranquille. L’endroit à côté du chemin est déjà occupé et il faut remonter la gorge pour trouver un coin sympathique au bord du petit ruisseau (photo). Après avoir mangé les sardines du pique nique prévu par le cuisinier, complétées par le pain confectionné chaque jour au bivouac (ces galettes constituent l’aliment de base dans tout l’Atlas), Hamid déclare une sieste de deux heures. J’accepte ½ heure, mais après je ne peux rester en place et pars faire un tour (d’autant plus qu’il n’y a pas vraiment de quoi s’étendre parmi les cailloux). Je rejoins le chemin qui continue sur une très jolie crête décorée avec des rochers aux formes bizarres, sans doute sculptés par le vent. Je trouve l’endroit tout à fait adapté pour un délicieux sacrifice à la nature. Pendant ce temps il se passe un drame dans la gorge. Thomas est brusquement réveillé par une grosse pierre qui lui arrive à 10cm de la tête ! Le guide et son cuisinier (qui joue aussi le rôle d’aide guide) se précipitent pour escalader la falaise après avoir enjoint au groupe de se retirer à l’abri sous une avancée du rocher. Beaucoup d’injures sont échangées, sans doute partie en arabe, partie en berbère. On ne saura jamais le fin mot de l’histoire, il semble que des touristes aient inconsidérément jeté des pierres à moins que ce ne soit des enfants de bergers.
Nous entamons alors la fin de la longue descente. Mohamed, comme d’habitude, se met à courir devant pour nous préparer le pastis local, c’est à dire un thé à la menthe qui sera délicieusement bienvenu.
Hamid a prévu un bivouac juste en bas du chemin qui descend du Mgoun, au bout de la vallée de l’Oulilimt, afin de nous éviter d’avoir trop à marcher. Le bivouac est installé à la jonction d’un torrent qui descend du Mgoun, sur un plateau rocailleux et caillouteux (photo1). et près d’une source visitée par tous les habitants du coin, c’est à dire les petites filles en général désignées pour la corvée d’eau quand elles ne s’occupent pas du dernier bébé qu’elles portent sur le dos. Mais je n’ose pas photographier. Poussé par un muletier, je me contente de deux jeunes filles bien habillées à la mode berbère (photo).
Il n’y a pas grand chose pour se laver à ce bivouac. La source est loin, tous les bergers des environs viennent s’y approvisionner, on voit même des dromadaires venus se remplir pour plusieurs jours (photo1, photo2). Le passage des dromadaires a le don d’effrayer les mules qui se mettent à ruer et qu’il faut tenir. Dans ces conditions, il ne nous reste plus qu’à se contenter des petites bassines noires comme celle de la photo. (photo).
On avait vu deux minuscules nuages blancs au sommet du Mgoun et Henri avait rigolé quand j’avais parlé d’orage. Et bien l’orage est bien là vers 16h. Mais il se contente de faire beaucoup de bruit et apporte peu d’eau. Ce ne sera pas pareil à Zawyat Ahançal, mais n’anticipons pas.
Bivouac d’Oulilimt (2800)
Vallée de l’Oulilimt
Aïn Aflalal (2336)
La photo du dromadaire en haut d’une colline au soleil levant permet de voir un beau champ de coussinets. Ce sont des « Sitises de Balança » qui font au printemps des fleurs pourpres. Ces coussinets, constitués de grandes aiguilles allongées, n’invitent pas à s’asseoir dessus. Ils ne poussent qu’au-dessus de 2500m. Plus bas, vers 2000m on a la « Bila de mer » dont les fleurs sont roses et dont le fruit forme une sorte de raquette de tennis bien reconnaissable. La Bila de mer se mélange avec « l’Irenacée » aux petites fleurs jaunes, la « Bipleuse épineuse » reconnaissable avec ses aiguilles qui se partagent en deux et « l’Allusurne épineuse » dont les fleurs jaunes forment quatre pétales. Ces cinq espèces de coussinets résument toute la végétation des hauts plateaux de l’Atlas ! Les moutons et chèvres semblent apprécier ces coussinets dont ils mangent les jeunes aiguilles. Mais l’expérience du méchoui au bivouac du lac d’Izourar (2526m) montrera que le mouton de l’Atlas se révèle relativement dur et filamenteux par rapport à la viande moelleuse et le goûteux d’un mouton du Mercantour ! Il est vrai que ce pauvre mouton n’a pas une vie facile !
Aujourd’hui, il est prévu une petite étape et rien ne presse. Aussi après une petite grasse martinée, nous assistons au chargement des mules (voir photo). C’est une opération toujours intéressante : le chargement doit être bien équilibré sinon la mule ne marchera pas bien et c’est tout l’art du muletier d’arriver au meilleur compromis.
L’oued, au début à sec, ne tarde pas à devenir une jolie rivière. Nous en suivons le lit caillouteux. Parfois une gorge étroite nous oblige à suivre un chemin qui grimpe jusqu’à une baisse permettant le passage. Un arrêt à l’entrée de l’une de ces gorges s’avère bien reposant (photo1, photo2).
Mais le meilleur sera atteint lorsque nous rejoignons l’oued après avoir passé la gorge par un chemin qui serpente dans la montagne (photo1, photo2). Nous nous asseyons au bord de l’eau avec l’idée de se tremper les pieds. John lui n’hésite pas longtemps et le voilà assis dans l’eau ! Il y a là une sorte de bassin et je m’empresse de le suivre (photo1, photo2). Un bonheur ! Les filles cherchent plus d’intimité et s’en vont plus loin dans la gorge avec Henri comme aide secourable.
Après cet excellent bain, le chemin remonte encore pour passer une nouvelle gorge. C’est là que nous découvrons notre premier genévrier (photo). Le genévrier est le seul arbre qui pousse dans ces montagnes desséchées. Ses énormes racines lui permettent de trouver l’humidité nécessaire. Celui-ci est sans doute plusieurs fois centenaire. Son bois est dur, très solide, imputrescible et odorant comme du bois de santal. Sur les conseils d’Hamid nous en découpons des morceaux sur un tronc abattu. Ce bois extraordinaire fait le malheur du genévrier. Les habitants des vallées l’utilisent comme poutres pour les terrasses des maisons et comme bois de chauffage. Les arbres sont ainsi mutilés, on coupe les grosses branches espérant que celles-ci repousseront assez vite. D’où ces grosses touffes qui donnent à l’arbre cet aspect un peu misérable. Heureusement le gouvernement subventionne les bouteilles de gaz et son usage se répand parmi les bergers et les habitants des vallées.
Le bivouac d’Aïn Aflafal (photo) sera un des meilleurs de la randonnée. Une source favorise un peu d’herbe et cette tache de verdure dans un univers minéral parsemé de coussinets appelle au repos. Il n’y a pas de touristes ici, dans cette vallée sauvage, mais cela n’empêche pas la montagne d’être très habitée ! Les enfants d’une petite bergerie située au-dessus du bivouac profitent de notre présence pour essayer de vendre des colifichets (photo). Ils vendent aussi des fossiles qu’ils trouvent dans la pierraille. Les filles essayent différents foulards berbères (photo1, photo2), beaucoup plus jolis que les voiles islamiques portés par les femmes en ville et destinés à cacher leur féminité.
Bivouac
d’Aïn Aflalal (2336)
Vallée du Mgoun
Tichki (2196)
En partant le lendemain, on tombe en arrêt devant un troupeau de moutons et leur nourriture principale (ici un coussinet de Bila de mer, photo). Plus bas un troupeau de chèvres noires et un adorable petit chevreau aux oreilles blanches et, miracle, un peu d’herbe ! (photo1, photo2).
Commence alors la longue descente de la vallée du Mgoun, vallée formée par la fusion de l’oued Oulilimt que nous suivions jusqu’alors avec l’oued Amougr. Finis les hauts plateaux où seuls ne poussent que les coussinets, nous entrons dans une vallée délicieusement verdoyante grâce aux nombreux canaux qui dérivent l’oued Mgoun et arrosent d’adorables petits jardins (photo). Des villages parsèment la vallée et Hamid nous fera prendre des petits chemins qui serpentent entre les jardins, de village en village. Les mules se contentent de suivre le fond pierreux de l’oued, comme d’habitude (photo).
Le premier bâtiment rencontré est un « coffre fort » (photo), établissement fortifié dans lequel les villageois entreposaient les récoltes à l’époque où des razzias pouvaient tout piller. Ces « coffres forts » sont aujourd’hui abandonnés.
Tous les villages se ressemblent avec leurs toits en terrasse recouverts de terre. Parfois un coffre fort en ruine se mélange avec les maisons. Ces dernières sont bien entretenues avec des fenêtres peintes de blanc (photo1, photo2, photo3, photo4, photo5). On remarque que les villages sont toujours situés en hauteur, en fait au-dessus du canal le plus haut, ceci afin de préserver la terre arable.
Dans un village, Hamid me fait remarquer une cruche d’eau pleine dans un encoignure, à l’ombre, avec un verre (photo). C’est, dit-il, une tradition respectée par le propriétaire de la maison à l’intention du passant assoiffé.
Dans ces villages, on trouve aussi des aires de battage. A ce moment, l’orge est terminé et c’est le blé qui commence (photo). Le tri du grain et de la paille se fait par jeté, selon le procédé bien connu des Onimus pour les olives !
Chaque village possède une « boutique » où on trouve du coca cola (refroidi à l’eau du canal, il n’y a pas d’électricité, seulement parfois des cellules solaires pour alimenter la télévision). Lors d’un arrêt à une de ces boutiques, le marchand essaye de vendre des habits et déguise Odile en femme berbère qu’Hamid est très fier de présenter à la photo !.
La vallée est longue, on n’arrête pas de monter et de descendre entre les différents villages, il fait chaud malgré l’altitude (2100m en moyenne). Aussi quelle surprise lorsque nous découvrons le lieu de pique nique (photo). C’est sous un grand noyer que le cuisinier, Mohamed, a installé la table. Repas chaud, toujours assis sur les matelas. Le canal qui coule à proximité permet de se laver les mains. On remarquera sur la photo que tout le monde est en pantalon (ou robe longue). C’est à la demande express d’Hamid qui nous a expliqué que cette vallée était encore sauvage, peu fréquentée par les touristes. Il ne fallait donc pas choquer la population en exposant trop de peau, même bronzée !
Le repas terminé, le cuisinier s’affaire à tout laver et ranger pendant que nous faisons la sieste. Une sieste bien nécessaire parce qu’il nous reste encore à remonter la vallée qui mène à Tichki, notre prochain bivouac. La mule « cuisine » est ensuite chargée par le muletier attitré (photo1, photo2). Les autres mules sont sans doute déjà arrivées et les muletiers en train de monter les tentes.
A Igherm Izdarn, nous quittons la vallée du Mgoun qui continue vers le sud et enfilons à gauche la vallée du Tisgui qui mène à Tichki. Il y a 200m à monter, généralement dans le lit de l’oued où le chemin se perd dans la caillasse. Finalement deux mules seront envoyées en renfort pour porter les plus faibles (photo1, photo2).
Le bivouac de Tichki est situé sur une aire de battage. Il n’y a pas beaucoup de place, l’aire est située à côté du village, mais on domine la vallée et la vue est splendide (photo1, photo2). Evidemment il est difficile de s’isoler, tous les enfants du village venant nous observer, mais les muletiers réagissent vite à la suggestion d’une cabine de douche et bientôt un réduit est constitué sous l’auvent qui abrite normalement le grain battu. Je préfère personnellement descendre à la source en contre bas (très froide) pour faire une bonne toilette entre deux passages d’enfants pour la corvée d’eau.
La soirée sera musicale. C’est John qui commence devant les enfants du village agglutinés autour de lui, de jolies petites frimousses qui donnent envie de les faire rire. Thomas se joint bientôt à la fête et les enfants reprennent en cœur des chants américains. Puis ce sont eux qui entonnent des chants berbères. Thomas essaye d’enregistrer tout cela (photo).
Bivouac de Tichki (2196)
Le Bouzgou (3444)
Lac Izourar (2526)
Le programme envisagé initialement par Mustapha prévoyait de traverser par les hauts plateaux pour bivouaquer au tizi n'Tighboula (3023m). De là nous devions rejoindre Zawyat Ahançal par les gorges de Tazaght. Mais les quatre jours de trek ont permis à Hamid d’avoir une meilleure vision des capacités du groupe. Compte tenu de la fatigue accumulée, il nous propose de rejoindre la vallée heureuse (Bou Guemez) par le Bouzgou (3444m) avec un bivouac au lac d’Izourar (2526m). Il y a quand même 1200m à monter ! Christine faisant la moue, Hamid se débrouille pour louer une mule additionnelle qui lui permettra de grimper tranquillement le Bouzgou (photo). En fait Christine monte la mule normalement en charge de la cuisine et conduite par un de nos muletiers (Hamid ne fait pas confiance à n’importe qui, surtout que le muletier de la mule louée est un gamin). Il faudra transférer tout le chargement d’une mule à l’autre lors du pique nique.
Pour agrémenter l’ordinaire, nous lançons l’idée d’un méchoui au prochain bivouac, idée tout de suite acceptée par Hamid, Mohamed et les muletiers. Les moutons ne manquent pas, il suffit le lever le doigt ! Le prix moyen est de 700dirhams.
Ce que nous ne savons pas encore, c’est qu’il ne suffit pas de grimper les 1200m jusqu’au Bouzgou, la descente sera immensément longue pour rejoindre enfin le bivouac du lac Izourar et il n’y aura plus de mule pour Christine !
Heureusement pour l’instant Christine est sur sa mule (photo) et ne sait pas encore ce qui l’attend… Sur cette photo, Hélène est sans doute à la recherche d’un coin tranquille pour un sacrifice à la nature. Elle est spécialiste dans ce genre de recherche et elle est souvent consultée pour trouver le meilleur endroit !
Premier arrêt au col tizi n Ounbat (2484) à côté d’une cabane de berger heureusement vide (photo1, photo2, photo3). Sur la dernière photo, le point blanc sur le nez de Christine n’est pas une tache de l’appareil, c’est seulement le coton qui protège d’un saignement du nez malencontreux. Après cet arrêt, c’est une longue montée sur un chemin tout en lacets. La caravane de mules (nos 6 mules bien chargées) nous rejoint et Thomas s’arrête pour enregistrer les bruits : le pas calme des mules, les cris des muletiers pour les encourager, les pierres qui dégringolent, etc.
Deuxième arrêt à un col intermédiaire avant de rejoindre le sommet qu’on voit sur la photo tout au fond. Christine est descendu de sa mule pour se dégourdir les jambes (photo). Une longue discussion s’engage avec le gamin en charge de cette mule et qui doit la ramener au village de Tichki. Il veut redescendre tout de suite, ce qui ne convient pas à Hamid qui tient à ce que la mule porte Christine jusqu’au sommet. Heureusement Hamid l’emporte et Christine continue sur sa mule.
Bien sûr la mule cuisine est partie en avant avec Mohamed. Ainsi, après avoir traversé le sommet du Bouzgou (3444m) et redescendu un peu, nous trouvons le pique nique tout prêt étalé au seul coin du plateau où il n’y a pas trop de pierres. J’ai adoré ce pique nique sur ce plateau désertique qui semble s’étendre à l’infini (photo1, photo2). Même les coussinets semblent avoir des difficultés à vivre à cette altitude. Je me demande ce que peuvent bien manger les moutons dont on voit le chien de garde sur la photo. Mohamed prend la mule cuisine pour descendre à une source connue et rapporter un jerrican d’eau. Les bergers qui habitent dans le coin font cela tous les jours !
En arrivant à ce lieu de pique nique, John s’est posé contre un rocher et certains se sont demandés s’il se relèverait un jour ! (photo) Il n’a pas mangé grand chose à ce pique nique et ce n’est pas bon signe. Mais finalement c’est John qui a le mieux résisté à l’ensemble du trek !
Après ce fameux sommet du Bouzgou, on pensait donc l’affaire terminée. Grave erreur. Je ne me rappelle plus le timing mais cette descente pour rejoindre le bivouac du lac Izourar a bien pris 6 ou 7 heures ! Le pire a été quand nous sommes arrivés dans la vallée toute plate d’Izoughar. C’est une large vallée remplie de coussinets (sans doute des Sitises de Balança bien piquantes à cette altitude de 2600m) et peuplée de bergers et leurs troupeaux de moutons ou de chèvres. Les bergeries sont installées au pied de la montagne chaque fois qu’une source apparaît.
Dans cette immense vallée, le chemin serpente entre les coussinets dans lesquels on se prend les pieds et je rêvais d’un bel alpage bien vert et tout doux ! Le Mercantour a quand même des avantages ! Plus loin, la vallée faisait un coude et j’espérais voir le bivouac pas très loin après ce coude. Effectivement je l’ai vu, mais c’était un minuscule point blanc ! Il y avait bien encore une ou deux heures de marche ! Je marchais comme un somnambule entre les coussinets en essayant de calmer ma hanche qui commençait à en avoir ras le bol. John courrait devant parce qu’Odile était montée sur une mule et qu’il voulait absolument la suivre. Christine et Henri avaient disparu loin derrière mais, trop fatigués pour s’inquiéter, nous nous contentions d’espérer qu’une autre mule se porterait à leur secours (ce qui est finalement arrivé !).
Quand enfin je suis arrivé au bivouac (photo prise le lendemain matin) la nuit commençait à tomber. Un mouton attaché à un piquet de tente bêlait désespérément. Peut-être se doutait-il du méchoui en préparation. Le camp était installé au fond du lac asséché à cette époque. Un puit juste à côté attire le matin tous les bergers des environs avec leurs animaux (photo1, photo2).
Un méchoui marocain.
Cela n’a rien à voir avec le méchoui que nous avons tous pratiqué en France. Au camp Onimus de Cervières, il fallait d’abord creuser un bon trou dans le lit de la rivière et ramasser une bonne dose de bois. Ensuite quelques courageux se levaient à 3h du matin pour allumer le feu. Au petit matin, on enfilait le mouton dans un poteau de signalisation routière (discrètement subtilisé je ne sais plus sur quelle route) et on le mettait à rôtir sur les braises pendant quelques heures. On échangeait à tour de rôle le poste essentiel dont la fonction était de tourner la broche. Lorsque le mouton paraissait à point, on le transportait sur un rocher plat et le chirurgien de service (en l’occurrence Michel Onimus pour ceux qui ne connaissent pas) se chargeait du dépeçage. Bien sur il en profitait pour déguster les meilleurs morceaux et il n’avait généralement plus faim après avoir terminé son travail.
Le méchoui marocain n’a rien à voir avec ce procédé. Il privilégie quant à lui la cuisson à la vapeur. Je pense que cela convient mieux pour les moutons nourris aux coussinets ! En tout cas malgré ce type de cuisson, la viande reste dure et fibreuse. Les photos jointes décrivent le processus en plusieurs étapes :
1) Photo1 et photo2 : construire une sorte de tonneau en pierre et en argile. Faire dedans un feu d’enfer. Sur la photo1, on voit le mouton couché, les pattes liées, qui attend l’échéance inéluctable…
2) Photo3, photo4, photo5 : au bout d’une heure ou deux, il y a suffisamment de braise. Pendant ce temps, les muletiers sont occupés à trucider le mouton dans les règles de l’art (c’est à dire Allal), puis à l’enduire de sauce sans doute délicieusement pimentée. On l’enfile dans le four alors la tête en bas, accroché à une barre de fer par les pattes de derrière.
3) Photo6 : c’est la partie critique. Il s’agit de boucher hermétiquement toute ouverture par où s’échapperait de la fumée ou de la vapeur.
4) Ensuite il reste à attendre une heure avant d’ouvrir et de retirer le mouton. Dans notre cas, catastrophe, le mouton s’était détaché de la barre de fer et gisait au fond du four, dans les braises. Mais enfin il semblait bien cuit.
On avait bien sûr invité tous les muletiers avec Hamid et Mohamed le cuisinier pour partager le méchoui. Mohamed s’est chargé du dépeçage, ensuite chacun devait se débrouiller avec ses mains. Mais les berbères avaient sur ce point technique un cran d’avance sur nous et nous avions à peine commencé à goûter la viande qu’ils avaient déjà fini !
Voici donc comment se termina (vers minuit !) cette journée mémorable. Le lendemain matin, nous étions tous un peu vaseux et, plutôt que de continuer le trek par le tizi Illaz (2900) et un bivouac à Assamsouq, il fut décidé de suivre la proposition de Hamid et de descendre dans la vallée heureuse, au village de Zawyat Oulmzi où un gîte agréable nous promettait des douches propres. Hamid anticipait sans doute des problèmes à venir parce qu’il proposa même de rejoindre Zawyat Ahançal en bus après une petite visite de la vallée de Bou Guemez et une tagine chez le chef des muletiers, Hassan.
Bivouac de Izourar
vallée de Bou Guemez
Zawyat Oulmzi (2150)
En quittant le bivouac d’Izourar, Hamid nous emmène d’abord visiter un gîte dont la construction a été financée par une association canadienne mais qui est tombé en ruine après avoir été pillé par des bergers. Hamid avec Mustapha et Mohamed envisage de le remettre en état et d’en faire un centre d’accueil bien équipé. Beaucoup de randonneurs passent par le lac d’Izourar et en hiver le gîte peut rassembler les passionnés de ski de fond ou de ski alpin. D’ailleurs j’en prends acte et donne rendez-vous à Hamid pour dans deux ans en hiver. Je rêve déjà du Bouzgou à ski ! (photo1, photo2) La photo2 montre la vue du gîte sur cette immense vallée d’Izourar que nous avons longuement descendue en zigzaguant entre les coussinets. Le lac se remplit au printemps juste au pied du refuge.
Nous prenons ensuite le chemin qui descend vers Zawyat Oulmzi. En perdant de l’altitude, nous retrouvons les genévriers. La photo jointe montre un énorme genévrier qui a par miracle échappé à la coupe sévère imposée par les habitants. Hamid, le passionné, se repose sur une des racines.
Au détour du chemin, la vallée « heureuse » (Bou Guemez) se dévoile, une grande et large vallée dûment arrosée par une multitude de canaux et riche de jardins à perte de vue (photo). Le bivouac est installé un peu à l’écart du village de Zawyat Oulmzi à l’entrée d’un ravin qui, nous dit-on, sert de cabinet ! (photo). On voit au-dessus du camping des genévriers qui parsèment les pentes. Les genévriers ne forment pas vraiment des forêts, ils préfèrent la solitude et restent éloignés les uns des autres.
Le point fort à ce bivouac sera le gîte promis par Hamid. Situé juste en face, de l’autre côté d’un oued à sec, il se révèle effectivement parfait. Nous nous gorgeons de coca cola, remède miracle, paraît-il, contre le mal de ventre et faisons la queue pour la douche. Cela augure donc une journée tranquille, une journée de repos. Le premier élément perturbateur est un énorme orage qui éclate sur la montagne et dont nous recevons quelques gouttes qui rendent la terre très glissante. En revenant au bivouac, John glisse sur le muret d’une terrasse et tombe de deux mètres. Heureusement rien de cassé, mais il en sort tout plein de boue et Thomas qui le suivait est encore pâle de l’émotion subie. Ensuite il faut traverser l’oued qui s’est brusquement mis en crue, mais heureusement c’est une crue toute petite par-rapport à ce qui nous attend à Zawyat Ahançal. Après ces événements, c’est Hélène qui trouve moyen de s’évanouir en butant sur un piquet de tente à la grande frayeur encore de Thomas.
Mais le pire est à venir pour ces deux là, Hélène et Thomas. La crise commence au milieu de la nuit, très forte pour Thomas, relativement plus douce pour Hélène sans doute parce qu’elle a déjà contre attaqué en puisant dans sa pharmacie. Vomissements, diarrhée, fièvre, c’est la totale ! Ce virus va se propager de façon plus ou moins forte à tout le groupe sauf Henri. Il diffusera même auprès du groupe des enfants quand nous les aurons rejoint. A Rabat certains seront encore malades pendant la fête chez les Kneijer.
Bivouac d’Oulmzi (2150)
Tagine chez Hassan
Transport à Zawyat Ahançal
Suivant le plan proposé par Hamid, nous quittons le bivouac pour une petite balade dans la vallée heureuse jusqu’à Ighirine, un village posé sur une petite colline au milieu de la vallée. Bien sûr il n’est pas question d’emmener les deux jeunes encore malades et nous les laissons au gîte qui nous a déjà si bien accueillis pour les douches et le coca. John, sans doute également un peu atteint, décide de rester avec eux.
Le point fort de la journée sera le repas chez Hassan, le chef muletier qui nous invite à terminer le trek autour d’une bonne tagine. La maison est traditionnelle. On entre par la cour mais l’habitation est à l’étage. Sur la terrasse au-dessus de l’étable, des chaises pour prendre le frais à l’ombre. Je m’assoie là à côté d’un vieil homme, un chibani, qui s’avérera être le patriarche de la famille. Un confrère finalement ! A part la terrasse, la seule pièce où nous sommes conviés est le salon d’honneur, ouvert seulement pour les invités. Sur les murs des affiches de la Mecque et quelques versets du Coran dont les 99 noms d’Allah.
Nous nous asseyons avec les muletiers, Hamid et Mohamed le cuisinier le long du mur, adossé à des coussins sauf Christine, brusquement atteinte à son tour par le virus (photo). Elle a visiblement de la fièvre et Hamid s’occupe d’elle avec beaucoup d’attention, il la fait se coucher avec des couvertures parce qu’elle tremble de froid, lui apporte des serviettes mouillées pour la rafraîchir, bref est aux petits soins (photo).
Du coup j’abandonne l’idée de visiter un moulin à eau. Il y en a beaucoup dans la vallée, des petits moulins juste destinés à écraser les grains. Le tri du son et de la farine se fait sans doute à la main avec un van (panier plat à deux anses servant à vanner le grain, dans la terminologie française).
Par contre j’insiste pour visiter la maison, mais le résultat est plutôt maigre. Le seul endroit que je suis autorisé à visiter est l’abri où se tient la vache de la famille. Pauvre vache presque lotie comme un cochon en France et dont la seule sortie quotidienne consiste à traverser la petite cour pour aller boire.
Nous sommes finalement trois seulement avec les muletiers à savourer la tagine de Hassan et nous en profitons (photo). Les muletiers qui se tiennent à la table à côté ont vite terminé avant nous. Il faut dire que manger avec ses doigts tout en tenant un morceau de pain nécessite une dextérité que nous sommes loin d’avoir. Finalement j’y mets les deux doigts, ce qui est tout à fait contraire aux règles de bienséance, la main gauche étant considérée comme impure par-rapport à la droite (pauvres gauchers !).
Etant donné l’état désespérant de Christine, nous abandonnons toute visite complémentaire de la vallée heureuse et Hamid fait venir le pick-up qui doit nous emmener à Zawyat Ahançal. Mais il faut encore retourner au gîte pour récupérer Thomas, Hélène et John. Finalement Christine insiste pour rester au gîte, le trajet en pick-up lui paraissant insurmontable dans son état. Nous partons donc en la laissant avec Henri à ses tourments. Hamid se débrouille pour leur réserver un minibus pour le lendemain.
Le pick-up est en fait un petit camion avec une benne entourée de barrières hautes. Les muletiers ont entassé là dedans tout le matériel jusqu’alors porté par les mules. Pour eux, l’aventure est terminée : ils habitent tous dans les villages de la vallée heureuse. Seuls Hamid et Mohamed nous accompagnent à Zawyat. Heureusement d’ailleurs, sans Mohamed je crois que nous n’aurions rien mangé dans ce gîte minable dont le local cuisine ressemble à un gourbi.
Le chargement est réalisé de façon à laisser les matelas dessus. Thomas et Hélène vont en profiter, ils se couchent dans un creux agréable et à l’abri du vent. Ils vont somnoler tout le trajet. Avec John et Odile, nous serons seuls à observer le paysage, en particulier le passage du tizi Tirghist (2629) et la chaîne de montagne que nous longeons jusqu’à Assamsouq, là où nous aurions dû bivouaquer. Le groupe des enfants était passé là un jour auparavant… Des bergeries sont éparpillées au gré des sources, la montagne avec ses éternels coussinets est bien habitée. Nous longeons une forêt de genévriers morts, sans doute trop taillés par les habitants. A partir du col d’Ilissi (2663), le paysage change, on trouve des pins, le sol semble moins aride. Des falaises impressionnantes se dessinent, nous approchons de Zawyat Ahançal (photo).
Nous sommes accueillis par le grondement de l’oued qui traverse le village et qui arrive de Taghia où bivouaquent les enfants. En fait cet oued est en crue, une vraie crue, et nous apprenons que le passage pour aller à Taghia est impossible pour l’instant. Diable ! Les enfants seraient-ils bloqués à Taghia ? Le pick-up traverse l’oued et arrive à grimper jusqu’au gîte où nous sommes accueillis à bras ouverts par un jeune homme plus ou moins en charge.
Cet accueil chaleureux sera vite oublié devant la crasse qui encombre les toilettes. Hors ces toilettes constitueront un élément essentiel de vie pour les deux nuits suivantes, la crise intestinale touchant successivement différentes personnes dont Odile très fort et moi un peu.
Mais le pire sera l’attente de la tagine habituelle. A 11h du soir, nous attendons toujours ! Finalement c’est notre cuisinier, Mohamed, qui s’en mêle et qui prend en charge les opérations. Sans lui je me demande si nous n’aurions pas attendu toute la nuit !
Gîte de Zawyat Ahançal
Aller/retour vers Taghia
Rencontre avec la caravane des enfants
C’est la dernière journée du trek et nous espérons enfin revoir la caravane des enfants. La crue de l’oued semble s’être calmée, il coule encore de l’eau jaune de boue mais avec un débit raisonnable. Mais nous constatons vite les destructions causées par la crue de la veille sur les petits jardins si bien entretenus. L’oued a envahi les jardins les plus bas, couchant le maïs ou ensevelissant les pommes de terre.
Plus loin le chemin s’enfonce dans une gorge profonde (photo1, photo2). Il a été construit récemment pour faciliter l’accès à Taghia, le seul chemin praticable auparavant étant le lit de l’oued ce qui rendait le passage impossible en cas de crue. Cela reste encore un peu le cas puisque ce chemin traverse l’oued par endroits (photo).
Mais la crue a réussi à emporter une partie de ce chemin (photo). Le passage n’est plus possible pour les mules. Un muletier devant nous fait traverser le torrent à sa mule pour remonter le lit et rejoindre le chemin plus loin en creusant un passage dans la caillasse. C’est ce nouveau chemin que vont suivre plus tard les mules des enfants. Mais les muletiers prendront la précaution de faire descendre les enfants.
La rencontre avec la caravane des enfants qui redescendent de Taghia est délicieusement charmante ! (photo1, photo2, photo3). La caravane de leur chargement est impressionnante avec 17 mules chargées au max ! (photo).
Nous repassons ensemble l’endroit où le chemin a été emporté par la crue (photo). Les mules empruntent le nouveau chemin dans le lit de l’oued.
Les aventures ne sont pas finies ! Mustapha avait prévu un super méchoui (toujours à la mode marocaine) pour la soirée. Les muletiers du groupe enfants ont déjà commencé à construire le four cylindrique selon le processus que nous connaissons déjà. Il ne reste plus qu’à allumer le feu quand l’orage arrive. Et ce n’est pas un petit orage, on a l’impression que le ciel nous tombe sur la tête ! Le four ne résiste bien sûr pas longtemps et se met simplement à fondre. L’oued de Zawyat reprend son grondement sinistre et même le petit ravin devant le gîte se remplit d’une eau mugissante et jaunâtre, faisant peur aux mules qu’il faut rentrer dans la cour. Le tonnerre gronde en se répercutant sur les falaises qui dominent le village : c’est la fin du monde ! Le méchoui sera prosaïquement cuit dans la cocotte minute (ici la viande est généralement cuite à la vapeur).
Le lendemain (après une nuit agitée pour certains, dans des cabinets plus ou moins bouchés et sans eau), l’oued s’est de nouveau assagi. Les mules portent tout le barda au centre du village, à côté de la poste (un magnifique bâtiment où le postier qui n’a rien à faire sera enchanté d’accueillir Hélène et moi pour nous vendre un timbre).
Mais là tout se complique. Mustapha est pendu à son téléphone portable, tout comme Hamid. Il semble que les minibus n’aient pas été confirmés la veille par le gardien du gîte (qui est définitivement nul !) et maintenant ils sont ailleurs… Nous attendrons sur la place du village de 9h à midi, avec tout le barda étalé (photo). Mais cela nous donnera l’occasion de serrer la main au gouverneur la région qui vient en force (une dizaine de 4*4 remplis) inaugurer l’arrivée de l’électricité officielle (jusqu’à maintenant Zawyat disposait d’un petit générateur). Finalement les trois minibus arrivent mais ils ne peuvent pas descendre sur la place où nous nous tenons, la route étant occupée par la dizaine de 4*4 du gouverneur. Une chaîne s’établit alors pour monter tout le barda qu’il faut ensuite charger sur le toit des minibus.
Nous arrivons enfin à Azilal vers 16h. Il est prévu ici de changer de bus pour des bus plus spacieux (en principe annoncés comme climatisés, mais cela n’arrive jamais). Une tagine nous attend dans un restaurant. Nous la mangerons avec appétit bien qu’elle soit un peu trop cuite (elle était prête pour 13h) sauf Odile qui se couche par terre pour dormir (les gens du restaurant prennent pitié et lui apportent un matelas).
Le trajet vers Marrakech n’en finit pas et voilà que Christine commence à s’inquiéter de ne pas être à l’aéroport à temps pour accueillir sa fille qui arrive accompagnée par Anaïs. Finalement nous retrouverons Anaïs et Agathe à l’hôtel, Mustapha s’étant débrouillé pour envoyer quelqu’un les chercher. Tout est bien qui finit bien. La douche sera un instant de rêve. Certains sortent en ville pour dîner, mais je préfère me coucher tout de suite et je n’entendrai même pas Hélène rentrer.
Voici la fin du trek du Mgoun. Les derniers jours seront consacrés à la fête de Kawtar et François à Rabat et pour certains une visite complémentaire à Fez.
Les photos de la fête se passent de commentaires. C’était une fête marocaine dans la splendide maison de Benacher Kneijer (ou Hadj, nom donné aux personnes ayant effectué le pèlerinage de la Mecque). On remarquera l’habillement de tout le groupe en gandoura ou en djellaba, habits que nous étions allés choisir et négocier grâce au talent de Kawtar au souk de la medina de Rabat le matin même.
Les filles ont passé l’après midi au hammam et chez le coiffeur. John ne reconnaît pas sa petite fille, Emilie, si jolie dans sa gandoura et sa belle coiffure. Les autres filles sont au même niveau…
Photo du groupe au café maure
Photo des musiciens
Photos diverses des participants (P1,P2,P3,P4,P5,P6)
Photo de la famille Barreteau avec Arthur, Zélie et Flora
Photo de Henri et Christine avec Agathe et Anaïs
Photo de la famille Hellman avec John, Odile, Thomas et Marina, Christophe et Elsa accompagnés de Emilie et Liam.
Photo des héros du jour : François et Kawtar avec Sarah Agnès et Majdouline
Photo du maître de la maison avec celui qui lui a ravi sa fille
Photo des héros de la fête à qui on remet les cadeaux. Ils sont secondés dans cette difficile tâche par leur deux filles (Sarah et Agnès) et les enfants de Fadoua (Marie et Rémi).
Clip montrant la danse échevelée de Majdouline. En plein coeur de la fête !
Jean-Pierre Onimus
400 Chemin du Tameyé
06560 Valbonne
Tel. : 0608906413
E_mail : jphonimus@orange.fr
Site : http://pagesperso-orange.fr/jponimus/
(Format imprimable : Trek du Mgoun.doc)